les mots sillons

les mots sillons

Théâtre

 Pièce libre de droit

Me tenir informée  de sa mise en scène. Merci !

 

 

affiche finale.jpg

 

 

Dans la presse

 

 

♦ ACTE 1 - Scène 1

 

Une pendule est fixée au mur face public, côté jardin.

Ses aiguilles désignent 15h00.

 

Ambiance sonore d'un hall d'aéroport.

Des chaises sont disposées comme dans un hall d'embarquement.

 

Le public entre dans cette atmosphère.

 

Les personnages expriment la même émotion

qu'à la fin de l'histoire.

 

Une fois que les trois quart du public est installé, CLARK entre sur le plateau, sa valise à la main. Il regarde un panneau d'information sur le mur derrière le public. Il regarde l'heure, prend son portable, écrit un message et part s'asseoir sur une des chaises d'attente. Il sort son certificat, le regarde avec fatalisme.

 

CAMILLE entre sur le plateau quasi en même temps que CLARK. Elle est très hésitante et ne fait que se retourner en arrière. Elle gêne l'entrée des spectateurs (en espérant qu'il y en ait…), revient sur le plateau, repart. Elle regarde intensément vers l'entrée du hall d'embarquement... Elle essaie de joindre quelqu'un sur son portable. Elle raccroche, se dirige vers l'entrée du hall, d'où elle ne peut plus sortir, regarde par-dessus les spectateurs qui entrent (en espérant qu'il y en ait …)...

 

Pendant ce temps, sont entrées KARINE et NATHALIE, perdues et toutes excitées. Elles observent partout autour d'elles, demandent des infos à CAMILLE puis à CLARK. Elles vont ensuite s'asseoir, l'une en mangeant, l'autre en sortant une lingette pour se laver les mains.

 

PAUL entre sur le plateau en traînant sa valise derrière lui. Il avance, un peu absent et va s'asseoir pour attendre. Il regarde sa montre l'air anxieux en se tournant régulièrement vers l'entrée du hall d'embarquement. Il prend souvent sa tête entre ses mains pour réfléchir, regarde son portable pour voir s'il n'a pas reçu un message.

 

Appel d'embarquement immédiat.

 

KARINE et NATHALIE se dirigent vers la file d'attente en direction du tarmac sans hésiter.

 

PAUL se lève plus difficilement. Il est désespéré et regarde derrière lui en avançant lentement, mais s'engouffre comme tout le monde.

 

CAMILLE, elle, panique... Elle ne sait plus quoi faire... Partir, rester ? Elle laisse passer PAUL, se retrouve en fin de file d'attente... Hésite... Puis s'engouffre à la suite des autres passagers.

 

Bande sonore des pilotes prêt au décollage.

 

En même temps, OSCAR arrive désemparé, apeuré, rasant les murs.

 

Arrive alors CHRISTINE qui a finalement changé d'avis. Elle court, s'empresse, mais s'aperçoit rapidement qu'il est trop tard.

 

Au moment de l'explosion, les deux protagonistes se retournent effarés, les yeux grands ouverts, le souffle coupé... CHRISTINE crie le prénom de son mari tandis qu'OSCAR recule d'effroi.

 

 

NOIR

 

SILENCE

 

 

♦ ACTE 2 - Scène 1

 

Lumière douce.

 

Le maître du temps se dirige vers l'horloge dont les aiguilles désignent 15h00. Il remonte le temps et les positionne sur 4h45. Il se retourne vers la scène d'Oscar, marque un temps d'arrêt puis s'en va.

 

Seul l'écran d'ordinateur d'Oscar est allumé. Sa lumière blanche éclaire son visage blafard et cerné. Il est entrain d'écrire en se frottant les yeux, baille sans retenue, se gratte le cuir chevelu, bois du café dans une tasse sale et dégoulinante.

 

Malgré la fatigue, il veut mettre le point final à son livre.

 

Il tape frénétiquement sur son clavier, efface, recommence... Puis…

 

Il lit tout haut ce qu'il vient d'écrire :

 

«... ma solitude et mon errance sont apaisées. Bien que mon corps me fasse mal du manque de tout, mon esprit ne cherche qu’à se blottir dans ce cocon ineffable. »

 

Il met un point final à son écrit, soupire d'aise en s'adossant à sa chaise.

 

OSCAR

Faut que je trouve un bon titre pour ce livre...

« Errance » ?

Non ça fait trop court...

...

« Nuit éternelle » ?

Bof... En plus, ça ressemble trop à « Soleil de Nuit »...

 

Le front dans sa paume, il baille largement.

 

...

« Le chemin des étoiles » ?

Mouais, ça fait un peu « la guerre des étoiles ».

 

Il se masse la nuque.

 

Mollement, il s'étale sur le côté de son clavier, s'endort.

 

♦ Acte 2 - Scène 2

 

La maître du temps entre sur le plateau, met les aiguilles sur 5h00, regarde le début de la scène et s'en va.

 

Un projecteur s'allume lentement derrière un paravent aux toiles blanches. Posée devant le paravent, une valise attend.

 

Christine arrive sur le plateau les cheveux en bataille et la bouche pâteuse, vêtue d'un pyjama en coton très peu glamour. Elle tourne en rond cherchant quelque chose, toujours avec la lenteur du réveil.

 

Paul, qu'on devine se réveiller, entre en pyjama.

 

Avec tendresse, il suit des yeux Christine.

 

Elle disparaît furtivement derrière le paravent.

 

Paul se retrouve désemparé comme s'il était derrière un mur infranchissable. Il recule, dépité et triste, jusque dans les coulisses où il prend une chaise.

 

On voit la silhouette se déshabiller et se vêtir avec sensualité et vivacité. Paul revient sur scène, s'assoit sur la chaise pour regarder sa femme. On le voit pensif et triste.

 

Quand Christine ressort du paravent, elle est vêtue de manière simple mais élégante.

 

Elle s'arrête face à son mari, à une distance qu'ils respectent l'un et l'autre, tel un accord tacite. Ils se regardent longuement comme s'ils avaient perdu la mémoire de leur amour. Comme s'ils étaient très loin l'un de l'autre. Puis elle s'approche de lui, passe à côté en lui mettant une main tendre sur l'épaule. Il pose sa main sur la sienne, légèrement.

 

Elle s'en va.

 

Il reste une longue minute, seul, dans un silence absolu.

 

Puis il se lève, se dirige vers le paravent. Il prend le pyjama de Christine, le met sur son épaule délicatement. De manière limite sensuelle, il referme le paravent, s'accroche à lui comme on se retient pour ne pas tomber et s'en va.

 

Il s'en va...

 

 

♦ Acte 2 - Scène 3

 

VOIX OFF (côté cour, derrière le rideau)

Non !

Aller ouste !

Dehors !

It's closaid naow, you eunderstand, it's clo-said ! Aller go go go !

 

CLARK off

Oh please, just un petit bôjôlais nouvô, mister !

 

VOIX OFF

Tu te fous de ma gueule ! T'as vu l'heure qu'il est ? Ze Time ? Hein ? T'as vu ze time ?

Moi je me lève demain... Enfin… Tout à l'heure...

C'est pas vrai, je vais me faire sonner les cloches par ma femme !

Allez mon grand, dégage maintenant !

 

CLARK off

Tu te fous de ma gueûle ? Hein ? Tu te fous de ma gueûle ?

Clark arrive sur scène échevelé, excité et ivre.

 

CLARK interpelle le public

Come on ! Every body ! Yé...

 

Il monte sur la chaise, danse et chante en prenant son verre pour un micro.

 

Puis il crie à la cantonnade

Wake up every body ! Sey le matin, youuuu ouuuu !

 

Solitude pathétique.

 

Son excitation se calme tout doucement pour ne devenir qu'un gromelot pathétique.

 

Il frissonne, chantonne une espèce de murmure inaudible.

 

CLARK se pose à l'arrêt de bus et s'endort...

 

 

♦ Acte 2 - Scène 4

 

Le maître du temps entre sur le plateau. Il positionne les aiguilles sur 5h45, regarde le début de la scène et s'en va.

 

CLARK somnole sur les chaises quand NATHALIE arrive à l'arrêt de bus. Elle reste debout puis essaye de s'asseoir en le poussant timidement.

 

NATHALIE souhaite prendre sa place à l'arrêt de bus, mais, gênée, elle reste debout.

 

Très hésitante, NATHALIE s'approche doucement du corps allongé pour le toucher et tenter de le réveiller, sans succès. Elle toussote... Puis, sans prévenir, met un grand coup de pied sous une des chaises.

 

CLARK sursaute, droit comme un I, et se met à chanter l'hymne national américain puis s'arrête en voyant NATHALIE.

 

NATHALIE déplie un petit mouchoir en papier blanc, le met sur ses genoux pour éplucher une mandarine avec des gestes mesurés et précis. Elle en mange quelques quartiers.

 

Elle comprend que CLARK n'est pas un méchant.

 

NATHALIE

Vous en voulez un morceau ?

 

CLARK grogne dans sa barbe en signe de négation.

 

NATHALIE

Vous avez tort, c'est plein d'anti-oxydants.

 

Elle finit son fruit en silence, regardant droit devant elle.

 

Après avoir mangé sa mandarine, elle replie soigneusement les pelures dans le mouchoir et sort un petit rince doigts qu'elle utilise, toujours avec délicatesse.

 

parle pour elle même en se lavant minutieusement

 

Je n'aime pas avoir les doigts qui collent, ça me fait monter le stress. Après, je pense plus qu'à ça : aux doigts qui collent. J'ai l'impression d'attirer toute la poussière qui m'entoure, des squames de pieds jusqu'aux pellicules des cheveux des autres...

 

Elle se tourne vers CLARK qui s'est rendormi et penche légèrement sur elle, la tête tombante.

 

D'un doigt douillet, elle le repousse de l'autre côté.

 

D'un ton écœuré, elle murmure

Les cheveux des autresLes autres...

 

KARINE arrive en trombe, les cheveux défaits, son cabas glissant de l'épaule.

 

KARINE

Salut.

Le bus n'est pas arrivé ! Ouf, je suis à la bourre...

 

KARINE finit de s'habiller, fait ses lacets, se coiffe, se maquille rapidement.

 

prend son téléphone

 

Mon chéri, il est l'heure ! Habilles-toi mon poussin. Allez, allez, hop hop hop mon nounours...

Tu feras ton chocolat avec de l'eau chaude, j'ai oublié d'acheter du lait...

Mais si, c'est pareil... Taratata...

Écoute, tu vas pas chipoter pour un peu de flotte, merde !

Bon, mon choux, j'achèterai ton lait tout à l'heure. Maintenant lève-toi, et n'oublie pas de réveiller ta sœur ! Bisous mon lapin.

 

CLARK Se réveille péniblement, pleure comme un môme

Oh, my god... Oooh noooo... It's not possible, I'm a dead man... Oh god…

 

KARINE à NATHALIE

Qu'est ce qu'il dit ?

 

NATHALIE

Je sais pas, il parle de god...

 

KARINE ricane

Oh nan... Z'ont peur de rien ces américains... Des vrais vicieux...

 

CAMILLE arrive à l'arrêt de bus dans le but d'interroger ceux qui s'y trouvent.

 

CLARK se met à pleurer, comme s'il avait le retour de cuite triste

I don't want go back, I haven't got my certificate. Je veux pourrir !

 

CAMILLE arrive d'un pas nonchalant et s'incruste à la conversation

Nan, c'est mourir. Je veux mourir pas pourrir...

Pour ça, le bus c'est pas top, je vous conseil plus le train.

Il passe dans… 36 minutes...

Vous avez tout juste le temps... Le chemin de fer est à 20 minutes à pied.

 

KARINE et NATHALIE la regarde scandalisé

 

Je blague, il dit qu'il ne veut pas partir, qu'il n'a pas son certificat et qu'il veut mourir.

 

NATHALIE

Mais pourquoi ? Quel certificat ?

 

CAMILLE à CLARK

Why do you want to die ?

 

CLARK

I don't like my life…

Ma vie me fait chi-er ! Mon père me fait chi-er !

Il veut que je travaille toujours et que je suis le boss !

Et si je rentre sans certificate, je suis môôôrt. Et le certificate je l'ai pas, because i didn't work all the time, you know !! J'ai pas travaillé du tout, jamais, never ever...

J'ai guéri ma répression with french girls, french food, french choucroute, champagne and petits fours !!!

Ici, je suis pas le boss !

Ici je compte pas, je vis !!!

 

NATHALIE

Ben moi, j'aurai deux trois trucs à leur dire aux boss, tiens !

 

CLARK

Tu fais quoi comme travail toi ?

 

KARINE

Le ménage dans les bureaux du boss !

Elle, c'est KARINE. Je suis son boss.

C'est pas qu'on s'aime, mais on fait le trajet ensemble, alors…

 

NATHALIE

Mon boss... Nan mais comment t'y vas toi ! T'es juste la responsable du trousseau de clefs... Sinon tu fais les chiottes comme moi ma vieille !

 

CLARK émerveillé

Oh, le ménage... Pas de soucis alors ? Tu fais travail et hop, fini ! A la maison tu es relax !

 

KARINE

Mais il est con lui ! Pas de soucis ? Nan mais tu veux qu'on échange nos salaires espèce de vieux crétin mal dégrossi !!!

 

CLARK

What ?

 

KARINE

Vieux crét...

 

CAMILLE

Nan mais je pense qu'il veut dire que...

 

NATHALIE

Oh ! Ta gueule, toi, avec tes traductions ! On a très bien compris, merci !

Et vous êtes qui d'abord !

 

CAMILLE

Camille Valendrin !

 

Aucune réaction des autres, sauf KARINE qui tilte timidement.

 

KARINE

Je vous ai pas déjà vue quelque part vous...

 

CAMILLE

Possible, je suis journaliste culturelle et critique à Télédrama.

 

NATHALIE

Télédrama ! Rien que ça !

 

CAMILLE

J'enquête sur un écrivain qui vivrait dans le coin.

Il s'appelle Oscar CORNVALL, ça vous dit quelque chose ?

 

KARINE

Tu parles si ça me dit quelque chose ! J'ai lu La trilogie du silence, L'ombre de l'absente, Le chant du noyé et le premier tome de sa prochaine série Promesse de l'inattendu.

Je suis fan.

Mais vous êtes sure qu'il existe bien ce type ? Personne ne l'a jamais vu, il ne s'est même pas manifesté quand il a reçu le Prix Goncourt. C'est peut-être même un coup de com' de l'éditeur. Vous savez, plus il y a de mystère autour de quelqu'un et plus ça fait parler...

 

CAMILLE

Je ne sais pas, justement. C'est pour lever ce mystère que j'enquête...

Et là, je ne peux plus m'arrêter. Mon patron m'a viré parce qu'il pense qu'Oscar Cornvall n'existe pas et que je perds mon temps. Il m'a dit : « Si tu continues avec cette enquête de merde, tu vires ». Et moi, je suis partie... De mon boulot, de mon appart', de ma famille... La merde quoi.

Alors, faut que je trouve le bonhomme, que je le ramène au journal.

Avec un bon papier, Richard me reprendra.

 

NATHALIE

Ça, c'est de la fierté mal placée...

 

CAMILLE

Non, c'est de la dignité...

 

NATHALIE

Arrogance

 

CAMILLE

Respectabilité

 

NATHALIE

Suffisance

 

CAMILLE

Honorabilité

 

KARINE

C'est bon là, vous allez pas nous faire tout le dictionnaire des synonymes...

 

CLARK

Si si, continuez... Je note ! Comment vous écrivez Honorability ?

 

CAMILLE

Ouais ben moi, je serais allez au bout de mon projet, de mes idées... Si je meurs demain, je pourrais être fière de moi !

 

NATHALIE

Ah, vous voyez que c'est de la fierté !

 

CLARK

Tu mourras fière... C'est mieux que mourir tout court...

 

NATHALIE

Et bien moi, si je meurs demain, j'aurais fait ma petite vie tranquille, sans emmerder personne !

 

KARINE

Ah bon ?

 

NATHALIE

Ah mais je parle pas de toi...

Je veux dire qu'il n'y pas forcément besoin d'atteindre ces rêve pour mourir la conscience tranquille.

 

♦ Acte 2 - Scène 5

 

Au plus près du public, installation du tapis et de la table.

Le maître du temps met les aiguilles sur 6h00, regarde le début de la scène et s'en va.

 

CHRISTINE arrive en poussant une desserte garnie du nécessaire à p'tit déj'.

 

Très concentrée, les sourcils froncés et les gestes vifs, CHRISTINE met les bols et les petites cuillères. Elle ouvre la confiture puis le beurre. Dans un soupir irrité, elle voit qu'il ne reste plus de beurre dans le beurrier. Elle jette le couvercle du beurrier sur la table et s'absente pour aller chercher une plaque de beurre.

 

CHRISTINE revient avec le beurre. Elle met du sucre dans un bol et verse le café fumant. Elle touille exagérément dans son bol.

 

PAUL arrive, une cigarette allumée.

 

CHRISTINE

Paul, s'il te plaît...

 

PAUL comprend et éteint sa cigarette dans un soupir contenu.

 

PAUL se verse un bol de café.

CHRISTINE pose les yeux sur lui comme si elle voulait déchiffrer un hiéroglyphe.

 

CHRISTINE a le visage fermé, les mains enserrant son bol pour le porter à ses lèvres.

PAUL la regarde tendrement. Il cherche les mots appropriés. Il ouvre la bouche pour les prononcer mais se ravise aussitôt.

 

PAUL se retourne, pose son bol et va chercher le journal.

CHRISTINE pose son bol, joint les mains près de son visage légèrement incliné pour regarder le corps de son mari qu'elle aime encore.

 

CHRISTINE se fait une tartine qu'elle ne mangera pas.

PAUL s'amuse gentiment de ces gestes vifs qui ne servent qu'à se donner une contenance.

 

Dialogue froid et contenu.

 

PAUL

Je suis désolé pour hier soir... Ça m'a échappé.

 

CHRISTINE

Ça ne t'a pas échappé du tout. Je commence à avoir l'habitude.

Tu me ressers la même soupe froide dès que tu en as l'occasion.

 

PAUL

Peut-être, mais la soupe froide comme tu dis, je la digère pas. Elle me reste là, tu vois. Comme l'impression d'avoir été trahi.

 

CHRISTINE

Tu crois pas que t'exagères un peu là. J'ai fais ce qui me semblait bon pour moi. Je dois te demander la permission pour vivre maintenant ?

De toute façon, je sais très bien comment tu aurais réagi si je t'en avais parlé.

 

PAUL

Mais comment j'aurais pu réagir autrement, Christine ? Évidemment que je n'aurais pas été d'accord ! On trime toute une vie pour sortir de notre condition, et au moment où on est dans la réussite, toi tu régresses.

 

CHRISTINE

Mais t'es en pleine mégalomanie verbale ce matin ! Trahir, régresser… C'est pas un peu facile de me juger avec tes grands mots ! J'ai simplement pris une décision qui me concerne sans ta haute autorité... C'est ça qui te dérange ?

PAUL

Oh, mais rien ne me dérange chez toi ma chérie, rien du tout ! Si ce n'est que j'ai vraiment l'impression d'avoir été pris pour un con.

 

CHRISTINE

Et ben tant pis, va bien falloir que tu t'en remettes. Et que tu arrêtes, une bonne fois pour toute, de me pourrir la vie avec ta petite contrariété.

 

PAUL

Tu t'en fiches complètement de ce que je peux penser, hein ? Tu vois, en trente ans de mariage, je ne t'avais pas vu si égoïste...

 

CHRISTINE sort de ses gonds

Égoïste ? C'est moi l'égoïste ? Nan mais qu'est ce qu'il faut pas entendre ! Je t'ai suivi dans tous tes choix, j'ai accepté beaucoup de choses de ta part pour ta grande… réussite ! Et toi, tu me traites d'égoïste ! C'est toi qui ne vois rien, qui n'entend rien. Tu traces ta route en traînant tout le monde dans ton sillage, qu'il soit bon ou mauvais. Et si l'autre, en l'occurrence moi, décide de prendre un autre chemin, alors Monsieur n'est pas content, Monsieur s'insurge de « l'égoïsme » des gens qui l'entourent. Mon pauvre Paul...

 

PAUL

Mais qu'est-ce que tu crois ? Tu es exactement pareil ! Toi aussi tu as décidé d'avancer sans jamais regarder ailleurs qu'à ta propre réussite ! Tu étais là quand j'ai subi mon opération et que j'ai passé des jours à l'hôpital ? Hein ? Tu étais là ? Non. Madame étais entrain de bâtir sa cathédrale dédiée à sainte performance ! Et le peu de fois où tu venais, tu n'avais d'yeux que pour ton écran de merde à tapoter sur ton clavier de merde ! Alors arrête de faire la morale, OK ?

 

CHRISTINE fatiguée, lasse

Paul, j'en ai marre... Faut qu'on arrête d'en parler. A chaque fois on s'écharpe.

 

PAUL

Ah ben c'est sûr, quand je te rappelle tes petits travers, t'en as marre...

 

CHRISTINE

OK... Si on part ensemble, faut qu'on arrête de ressortir les vieux dossiers. Sinon on y arrivera pas.

 

PAUL

Ah ! Toi t'as toujours les mots qu'il faut quand il faut.

 

CHRISTINE

Je te demande juste d'accepter ma décision et de me faire confiance... C'est tout...

 

PAUL

J'ai le choix ?

Non, bien sûr…

 

CHRISTINE

Paul !

 

PAUL

C'est ce que je disais, j'ai rien à dire... Comme d'habitude... Je te laisse décider... J'ai rien à dire...

 

CHRISTINE

Mais arrête Paul ! Arrête !

 

PAUL regarde CHRISTINE droit dans les yeux, tourne les talons et part dans la rue.

CHRISTINE le suit.

 

Mais attend Paul ! Attend !

Chorégraphie d'ensemble

♦ Acte 3 - Scène 1

 

Le maître du temps met les aiguilles sur 7h00, regarde le début de la scène, s'en va.

 

CAMILLE est dans la rue, smartphone à la main, livre, journaux... Elle s'empêtre dans son bazar. CLARK la voit au loin. Il referme sa chemise, ressert sa cravate, arrange ses cheveux et se dirige vers elle nonchalamment pour l'aider.

 

Ils se parlent sans se regarder, sans s'écouter, ils veulent simplement tirer profit l'un de l'autre.

 

CLARK

Scuse-me, j'ai vu ça dans un film un jour… J'ai toujours envie de le faire... Vous êtes journaliste, c'est ça ? N'attendant pas sa réponse : C'est bien, good job ! Les journalistes sont très habiles, très débrouillés...

 

CAMILLE

Débrouillards, vous voulez dire... Va falloir travailler votre français vous ! Américain ?

 

CLARK lui tend la main

Clark !

 

CAMILLE

Camille Valendrin, journaliste à...

 

CLARK n'écoutant déjà plus

Ouais ouais... Dites, ce soir je rentre chez moi aux States...

 

CAMILLE

Moi aussi... Enfin... Non, moi je dois emmener quelqu'un aux States...

 

Oscar CORNVALL, vous connaissez ?

 

Il a gagné un prix littéraire là-bas. Mais c'est surtout qu'il faut que j'écrive mon papier sur lui....

 

CLARK

Oui, a paper ! Si je n'ai pas my certificate, je vais être mis à la porte, you hunderstand ?

 

CAMILLE

Il faut absolument que je retrouve ce putain d'écrivain ! Quand je relis toute mon enquête, un an que je bosse dessus comme une malade, tout converge ici ! Dans s'te ville de merde !

 

CLARK

Un an, ouais, moi aussi, ça fait un an que je suis en France... Quel pays magnifique ! Je connais tout de Paris ! Good time ! Mais je ne sais pas où est la firme que devais faire mon job... Je suis dans la merde...

 

CAMILLE

Putain, tu l'as dit bouffi, on y est bien profond tous les deux...

 

CLARK

T'aurais pas un idée pour me donner un... Rumber stamp ? You no Rumber Stamp ?

 

CAMILLE

Et, toi qui connais tout Paris, good time et champagne, tu pourrais pas trouver mon fantôme ? Tu me rendrais bien service !

 

CLARK

A rumber stamp, in french ? Like that ! Il fait un geste d'un homme qui tamponne.

 

CAMILLE refait le geste de manière un peu plus lubrique

« Like that » ! Nan mais t'es qui toi ?

CLARK

Oh no, no that, nooooo my god !!!

 

CAMILLE
Ouais, « my god », ça aussi tu devrais faire gaffe... Bon, elle se remet dans ses bouquins, Oscar CORNVALL, né en Irlande, de parents ouvriers protestants qui ont fui la guerre civile pour s'installer en France. Bon ça, OK... Il vit une enfance... Grand admirateur de Barbara, il la suit en concert. Ce sont d'ailleurs ses seules sorties dans la ville Parisienne...

 

CLARK

N°6 rue Brochant.

 

CAMILLE

Quoi encore ?

 

CLARK

Barbara ? La grande, immense, sublimissime...

 

CAMILLE

Ouais, et bien quoi, Barbara ?

 

CLARK

Elle est née au n°6 rue Brochant, quartier des Batignolles...

A côté, il y a la rue Saint-Just avec un temple protestant...

 

CAMILLE

Vous connaissez Paris à ce point ?

 

CLARK

Les écrivains sont pleins de manies, de tocs, de superstitions. Essayez là-bas... Sûr, vous le trouverez. Help me now !

 

CAMILLE

Mais quoi ! Vous voulez quoi ?

 

CLARK

My paper with a fuck rumber stamp, it's not difficult to hunderstand ??? Yes ??? Il mime le geste tchac tchac…

 

CAMILLE

Un tampon, c'est un tampon qu'il te faut... Et ben mon p'tit père... En fait, t'as besoin de falsifier ton contrat quoi ? Hein ?

 

CLARK

Ouais, fafifier mon paper...

 

CAMILLE

Ben tu vois les filles du bus, elles bossent dans une grosse entreprise. Là-bas, elles te trouveront ton tampon pour « fafifier ton paper »...

 

CLARK

Oh, OK, elles ont le tampon ?

 

CAMILLE

Nan, pas elles. Mais là où elles font le ménage, elles pourront t'en trouver un. Prends le quartier des affaires, la boîte s'appelle 3D, tu peux pas te tromper...

 

CLARK

Oh good, thank !

 

CAMILLE alors que CLARK est déjà parti

Bon ! Mais te fais pas d'illusion ! On s'est juste rendu un service mutuel. Ça s'arrête là. Vas pas t'imaginer des trucs, parce que moi je suis pas une fille facile...

 

♦ Acte 3 - Scène 2

 

Dans le vestiaire de l'entreprise 3D

NATHALIE et KARINE mettent leur blouse et prennent leurs ustensiles de ménage.

 

NATHALIE

Je ne serais pas là cette après-midi.

Tu sais, j'ai gagné le premier lot au concours du C.E. L'Amérique, tu te rends compte ! C'est la première fois que je gagne un truc, et c'est la semaine à New-York. C'est fou !!

...

Bon, j'ai quand même un peu peur de l'avion. C'est super flippant quand même, tous les uns sur les autres comme ça.

 

KARINE

Ben mince, c'est toi la deuxième...

 

NATHALIE

C'est toi la deuxième...

 

Silence entre les deux femmes...

 

KARINE et NATHALIE, ensemble, de manière très peu convaincante

Cool...

 

KARINE

Il y aura sûrement l'américain dans l'avion... Il a dit qu'il repartait chez lui.

 

NATHALIE

Il est plutôt charmant...

 

KARINE

Attend, il est vieux...

 

NATHALIE

Et alors... Je préfère un vieux sympa qu'un jeune con !

 

CLARK arrive sur la discussion.

Excuse-me, I'm looking for « les femmes de ménage ».

 

KARINE et NATHALIE sursautent.

Mais qu'est-ce que vous foutez là ?

 

CLARK

Est-ce que vous pourriez me tamponner s'il vous plaît ?

 

KARINE

Ouais, t'as raison, on s'en tamponne !!!

 

NATHALIE

Allez, dégage de là ! Mais tu vas pas bien toi...

 

CLARK

The paper... Pour fafifier my certificate. Oh please, help me please...

 

KARINE

Il remet ça avec son paper...

 

NATHALIE

Il lui faut juste un tampon... Remarque, ici, y en a plein les bureaux...

 

KARINE

Nan mais tu vas pas bien toi ! On peut pas prendre n'importe quel tampon !

C'est le chef qui signe les certificats de travail, pas la blonde de l'accueil...

à CLARK

Et pourquoi vous voulez absolument vous le faire tamponner votre bout de papier ? Je croyais que vous n'aimiez pas votre vie là-bas ? Vous n'avez qu'à rester ici !

CLARK

Mais je peux pas... J'ai des obligations, des devoirs, des affaires ! Vous pensez que c'est simple vous !!!

Et votre travail, do you like your job ? No ! Et bien vous restez quand même !

 

KARINE

Mais moi c'est pas pareil. J'ai trois gamins et des dettes !

 

NATHALIE

Ouais, pis moi j'économise pour me faire tirer...

Plus tard, j'en aurai besoin...

 

KARINE

On a bien le temps de penser à faire autre chose.

Toi, par contre, tu as jusqu'à ce soir...

à NATHALIE

J'attaque la compta' moi. Elles foutent toujours un de ces merdier les nanas ! Un jour, c'est leurs pâtes à cul que je vais trouver sur leur clavier !

 

NATHALIE

Mais, au fait... En parlant de merdier... C'est pas toi qui fait le bureau du patron ?

 

KARINE se fige...

 

NATHALIE comprend...

Aaaah, c'est toi !

Pourquoi tu me l'as pas dit ?

C'est cool, tu vas pouvoir le récupérer le tampon pour notre brave Clark... Mmh ?

 

KARINE

Non, hors de question ! Allez ! J'ai du boulot chez les calculettes...

 

NATHALIE

On peut bien faire une bonne action avant de partir...

 

KARINE

Pas que ça a faire !

Plus tard !

Et pis j'ai pas envie de me faire virer...

Jérôme vient d'acheter un home-cinéma à crédit...

On croule sous les dettes, alors merde !

 

KARINE s'en va, suivie de NATHALIE qui insiste lourdement.

 

♦ Acte 3 - Scène 3

 

Noir sur le plateau.

Lumière braquée sur Oscar.

 

Rangement du petit déjeuner dans le noir.

Le maître du temps met les aiguilles sur 9h00, regarde le début de la scène et s'en va.

 

OSCAR dort profondément près de son ordinateur.

 

La sonnette de son appartement retentit. Il se réveille brusquement et respire bruyamment, les yeux exorbités, tous les sens aux aguets. Il reste assis sans oser penser que c'est chez lui que l'on sonne.

 

La sonnette se fait à nouveau entendre. OSCAR se cramponne au dossier de sa chaise, regarde partout autour de lui. Toujours assis, il se tourne vers le public la bouche ouverte par laquelle aucun air ne sort. Il roule des yeux, n'ose pas bouger, comme s'il était pris en flagrant délit.

 

La sonnette sonne encore plusieurs fois de suite. OSCAR se lève, touche sa barbe de plusieurs jours, ses cheveux pas lavés ni peignés. Il Palpe ses vêtements, découvrant sa négligence.

 

CAMILLE

Y'a quelqu'un ?

 

OSCAR s'arrête net. Il se touche le front, respire fort, se palpe la nuque en regardant la porte d'entrée....

 

S'il vous plaît ? Monsieur CORNVALL ? Vous êtes là ?

 

OSCAR, surpris, regarde le public en se montrant du doigt, les sourcils levés d'incrédulité.

 

 

Monsieur CORNVALL, s'il vous plaît, ouvrez-moi... Je voudrais juste vous voir. Je vous cherche depuis plus d'un an... Je sais que vous êtes là...

 

 

Écoutez, vous avez gagnez le prix international de littérature aux États-Unis... C'est quand même un truc ça, non ? Vous n'êtes que le deuxième Français depuis 1974 à obtenir cette récompense...

 

OSCAR est dubitatif...

 

Oscar ?

 

OSCAR

Qui cherchez vous au juste ?

 

CAMILLE

Oscar Cornvall, l'écrivain.

 

OSCAR

Impossible, je ne suis pas écrivain.

 

CAMILLE

Pardon ?

 

OSCAR

Je ne suis pas écrivain, je suis qu'un raté.

 

CAMILLE

« La trilogie du silence » et « L'ombre de l'absente », c'est pas de vous peut-être ?

 

Et le premier tome de la série : « Promesse de l'inattendu ! », c'est de qui ?

 

OSCAR

Comment connaissez-vous ces romans ?

 

CAMILLE

Parce que vous êtes connu Mr Cornvall !

Vous m'ouvrez maintenant !!!

 

OSCAR

Vous êtes qui ?

 

CAMILLE

Journ... Je... Écoutez, vos livres se vendent très bien. « La trilogie du silence » a été traduit dans 4 langues...

 

OSCAR est complètement sonné d'apprendre qu'il est connu... bafouille encore plus que d'habitude.

Heu... Oui... Mais comment... Mon éditeur me dit que...

Je comprends rien...

 

CAMILLE

Mais sur internet, regardez sur internet !

Mais faites-moi entrer merde !!!

 

OSCAR

Ou... Oui... Oui... Puis se ravise : Heu non ! Non ! Attendez !

Il tente désespérément de ranger un peu son appartement...

Oui... Entrez...

Il se ravise encore : Non, attendez…

Il s'éloigne dans le fond de l'appartement comme s'il allait recevoir une bombe : Entrez.

 

CAMILLE entre, le silence s'installe entre les deux personnages. Ils se dévisagent. Elle le regarde un peu comme une apparition. Elle a devant elle le jack pot, le retour au magazine, un papier qui fera la couverture de Télédrama... Elle en perd toute prudence.

 

CAMILLE

Punaise, Oscar Cornwall, vous savez même pas que vous êtes une célébrité.

Vous n'avez pas la télé, la radio, internet ?

Votre éditeur se fait des couilles en or sur votre légende et vous, vous restez là... Bon, c'est génial, c'est génial !!!

 

OSCAR

Quoi, c'est génial, c'est génial ?

 

CAMILLE reprend son self control.

Heu, non rien... Enfin si... Voilà... Vous êtes lauréats pour « L'ombre de l'absente », premier prix du concours international ! Vous vous rendez compte !

Le prix sera remis à New York ce week-end !

 

OSCAR

Mais comment vous savez ça ? Vous vous trompez, je n'ai jamais été lauréat de rien du tout...

 

CAMILLE enthousiaste.

Mais tout le monde le sait, il n'y a que vous qui ne le savez pas !

Maintenant, faut plus perdre de temps, on y va ! J'ai deux billets pour les États-unis. On part en fin d'après'm... Allez hop hop hop !

 

OSCAR

Nan, j'irai pas... Qu'est ce que vous voulez que j'aille foutre au États-Unis, alors que je descends tout juste dans ma rue pour acheter mon pain...

Par contre, faut que je demande des comptes aux éditions des chimères.

 

CAMILLE

NON ! Non... Je vous propose mieux... Comment dire... Si vous les appelez, ils vont plier boutique et se faire la belle avec votre argent... Vous comprenez ?

Mais si vous le voulez, on peut écrire un article dans Télédrama...

 

OSCAR

Vous êtes une putain de journaliste ?

 

CAMILLE

Mais nooon... Enfin si, mais... Oh tout de suite les grands mots... Et puis les journalistes sont pas tous mauvais.

 

OSCAR

Je sais pas... J'y comprend rien.

Hier j'étais encore un illustre inconnu et maintenant vous venez me dire que mes livres sont traduits dans plusieurs langues, que je suis lauréat d'un concours machin... Je sais pas...

 

CAMILLE profondément attendrie.

Bon, si vous voulez, on le fait pas cet article. De toute façon, je sais même pas si mon patron me reprendrait... Mais faut allez le chercher votre prix...

 

OSCAR

C'est à cause de moi que vous vous êtes fait virer ?

 

CAMILLE

Oh non... Enfin si... Un peu... Mais je suis une tête de mule, comme disait ma mère... Je n'ai que ce que je mérite, comme disait mon père...

 

OSCAR

Toi, au moins, tu fonces. Tu y vas. Tu te laisse pas impressionner par… Par...

Il hausse les épaules.

Tu vois, c'est marrant quand même... Si je n'avais pas été aussi névrosé, est-ce que j'aurais écrit des livres ?

Très pensif : Des livres qui plaisent, en plus... C'est étrange comme tout se bouscule tout à coup... Est-ce que j'ai gâché ma vie ? Est-ce que je l'ai réussie ?

 

Dis-moi ?

 

CAMILLE

Il ne te manque plus qu'une condition pour avoir tout réussi Oscar...

 

OSCAR se retourne, l'interrogeant du regard.

 

CAMILLE s'approche tout doucement de lui. Elle tend ses bras dans sa direction et le pousse hors de son plateau.

 

OSCAR fait ses premiers pas sur le plateau en opposition avec les autres personnages qui symbolisent ce qu'il voit à travers celles et ceux qu'il rencontre.

 

Scène chorégraphiée :

 

1 . Tous en ligne, ils avancent tels des zombies vers OSCAR qui recule à en perdre l'équilibre.

 

2. Ils se regroupent et suivent OSCAR comme un gros monstre à plusieurs têtes.

De en temps en temps, un personnage sort du lot pour effrayer OSCAR.

Tous se marrent méchamment.

OSCAR a honte.

Il se rapetisse, devient blafard, bossu, les yeux exorbités.

 

3. Le groupe se détache pour encercler OSCAR qui hurle et panique.

Il se fait de plus en plus petit, se couche.

 

La musique s'arrête brusquement.

 

Tous partent en courant...

 

OSCAR reste sur le plateau, allongé, sonné...

 

Fin de la chorégraphie.

Reste sur le plateau OSCAR.

 

♦ Acte 3 - Scène 4

 

Le maître du temps entre sur le plateau, met les aiguilles sur 10h30, regarde le début de la scène et s'en va.

 

CHRISTINE s'installe à sa table avec de la paperasse sous le bras. Puis prend son téléphone.

 

CHRISTINE

Salut Agnès, c'est Christine... ça va... Ben moi non, on peut pas dire que se soit le top... Je ne te dérange pas.

 

Elle continue la conversation en sourdine...

 

PAUL passe près d'OSCAR et a pitié de lui. Il se penche, le regarde et l'aide à se relever.

 

PAUL

Pas facile la vie, hein mon vieux...

 

OSCAR ne parle pas, il est tétanisé.

 

Ouais, t'as raison, parfois il vaut mieux ne rien dire...

 

OSCAR regarde derrière lui et tente de rebrousser chemin vers son appartement, mais Paul lui met la main sur l'épaule.

 

Moi, je parle pas non plus... Je parle peu... Ou pour rien dire...

 

OSCAR le regarde dubitatif.

 

Je crois que c'est ce que me reproche Christine tu vois...

 

CHRISTINE au téléphone

Je l'aime toujours, y'a pas de doute. Mais il est trop stressé, c'est fatiguant. Tiens ! Rien que la semaine dernière, il m'a fait toute une histoire pour un malheureux « poc » sur sa caisse.

 

PAUL à OSCAR

Mais l'impression qu'elle se fout de tout. Il n'y a pas si longtemps, elle me bugne l'aile avant gauche de la voiture... Et à l'écouter, ce serait pas si grave. Une Audi coupée à 40 000 euros, merde !

 

CHRISTINE au téléphone

C'est sûr qu'avec son Audi machin, tu peux plus la sortir sans serrer les fesses ! Tu sais quoi, moi je rêverais d'une 4L. Une bonne vieille 4L, tu te souviens ? Ça c'était de la bagnole que tu pouvais rayer sans chier des euros !

 

PAUL à OSCAR

Ah mais elle, elle serait capable de se balader en deux CV dans Paris. Ça lui ferait pas peur de se foutre la honte en se tallant les fesses sur les ressorts d'un vieux tacot.

 

CHRISTINE au téléphone

J'arrive pas à le comprendre... J'exagère peut-être avec ma 4L, mais, je sais pas... Il n'est plus le même. Le matin, il a même plus un regard pour moi. Je vais pas lui demander de s'enflammer au bout de tant d'années, mais un bisou, un regard tendre, un p'tit mot sympa avant de partir...

 

PAUL à OSCAR

Je comprends plus, cet été, j'ai dépensé un fric fou pour refaire faire la terrasse et la piscine avec SPA, copie conforme du style Californien. Et bien, rien, tu m'entends, RIEN ! Pas un bisou, ni un regard gentil, même pas un merci ! J'attendais pas à ce qu'elle s'enflamme après tant d'années, mais quand même !

CHRISTINE

Et puis, il en a que pour le matériel, son SPA en style Suédois ou je sais plus quoi … Et sa foutue terrasse... On y a mangé qu'une fois en trois ans et quand je lis un bouquin au soleil il me reproche que je ne fais rien !

 

PAUL à OSCAR qui voit passer Camille

Je la vois plus travailler. Ah, quand elle était jeune, elle avait de l'ambition. Devenir avocate ! Défendre les grandes causes ! T'aurais vu cette féministe, cette battante, elle a gagné toutes ses procédures !

 

CHRISTINE au téléphone

Paul, c'était un grand rêveur, un idéaliste. Il voulait changer le monde et montrer à tous qu'on pouvait faire de hautes études en sortant d'un milieu ouvrier. Aujourd'hui, ça le rend dingue. Du coup, il m'en veut... C'est sûr que je remplissais le compte en banque en passant des nuits sur des dossiers de pauvres femmes violées ou battues ! Mais j'en pouvais plus moi, cette misère humaine ne s'arrêtera jamais, tu comprends ! Fallait que j'arrête ça !

 

PAUL à OSCAR qui commence à partir doucement

Tu nous aurais vu bosser comme des fous jusqu'à plus d'heure pour arriver là où nous en sommes. C'était une passionnée, une militante qui voulait montrer la réussite d'une femme. Moi, ça me rendait vachement fier ! Elle a réussi la belle ! Et brillamment !

 

Comment elle a pu me faire ça ?

 

OSCAR a rejoint Camille. On voit qu'il souhaite repartir chez lui, mais elle le retient gentiment. Ils ont des gestes tendre.

 

CHRISTINE au téléphone

Ce soir, on part pour les Etats-Unis. Un rêve qu'on avait ensemble quand on était à la fac. On a jamais pû partir. D'abord parce qu'on n'avait pas les moyens, et après parce qu'on n'avait pas le temps... Enfin, lui est parti plus d'une fois là-bas mais pour le boulot. Nous, ce qu'on veut, c'est Chicago, la Nouvelle Orléans, les volcans d'Hawaï, le jazz de la Louisiane... Tout ce qu'on aurait jamais eu le temps de faire si...

 

PAUL

Si on avait pas eu l'envie de se retrouver... Mais tu vois, je me rends compte que j'ai plus l'habitude de prendre l'avion que de parler à Christine... Merde... Ça craint !

 

CHRISTINE au téléphone

J'ai peur qu'on ai plus rien à se dire... C'est peut-être trop tard...

 

PAUL

Et toi, t'en pense quoi ?

 

♦ Acte 4 - Scène 1

 

Le maître du temps entre sur le plateau, installe les aiguilles sur 12h00, regarde le début de la scène et s'en va.

 

KARINE et NATHALIE s'installent pour manger.

 

NATHALIE retire très élégamment ses gants en caoutchouc.

KARINE essaye d'en faire autant, mais le gant lui claque à la figure.

 

Alors que KARINE déballe son sandwich avec appétit, NATHALIE l'arrête net.

 

NATHALIE

Attend, c'est pas le moment là ! Il faut aller chercher le tampon dans le bureau du boss, après il sera trop tard.

 

KARINE avec son sandwich dans une main, elle feuillette des publicités de l'autre main

Ah non, je mange d'abord... Tiens regarde comme c'est chouette ça... 150 € en deux fois, c'est pas cher !

 

NATHALIE prend une lingette, se lave consciencieusement les mains avant d'ouvrir une boite en plastique ou elle prend des petits morceaux de légumes à croquer avec des galettes Bjorg. Elle parle pendant que KARINE la regarde interloquée.

Arrête. T'as pas de sous...

Allez quoi… Donne-moi juste les clés et je me débrouille.

 

KARINE

Niet, c'est moi qui en suis responsable.

Oh c'est pas vrai, mais qu'est ce que tu bouffes ?

 

NATHALIE

Quoi ?

Bêta carotène, vitamine A, excellent pour le teint !

KARINE pouffe.

Marre-toi, c'est pas quand t'auras tes premières rides qu'il faudra penser à te les faire enlever !

J'ai pas faim de toute façon. Savoir qu'il y a ce pauvre type qui est coincé là s'il n'a pas son certificat tamponné...

 

KARINE

Mais tant mieux si il peut pas partir...

Moi je vois bien qu'il est malheureux. C'est là-bas que c'est un pauvre type !

Et pis c'est super risqué merde !

Le cachet de l'entreprise, je sais pas si tu te rends compte toi !!!

T'imagine si on se fait choper ?

 

NATHALIE

Ben tu vois, je t'imaginais plus aventurière... Plus généreuse... C'est marrant comme on peut se tromper sur les gens...

J'avais tellement envie de faire quelque chose pour lui... Ça m'aurait donné l'occasion de lui être utile... De faire un truc sympa pour lui... Pas grave...

 

KARINE

Attend, je rêve où t'es entrain de le draguer là …

 

NATHALIE

Mais je le drague pas, je veux qu'il me remarque, qu'il voit que je suis là ! C'est mal d'exister pour quelqu'un ?

 

KARINE

Mais il est trop vieux pour toi !

NATHALIE

Et alors ? Il est malheureux aux Etats-Unis, trop vieux pour moi ! Tu crois pas que tu devrais regarder ta vie à toi avant de juger celle des autres !

 

KARINE penaude,

Mais je juge pas !

 

NATHALIE

Si tu juges ! Tu juges ….

 

KARINE

Bon, ça va, on va le faire... Mais là faut ce grouiller !!!

 

Elles se dirigent vers le bureau du patron (voir plan).

KARINE passe derrière le rideau.

NATHALIE fait le guet devant.

 

NATHALIE

Allez grouille, on n'a pas de temps à perdre !

 

KARINE sort la tête du rideau

Bon, vite, donne-le moi que je le tamponne...

 

NATHALIE

De quoi ?

 

KARINE

Ben le certificat de Clark ! Donne-le moi que j'le tamponne !

 

NATHALIE

Mais je l'ai pas moi son certificat...

 

KARINE

Comment ça, tu l'as pas ? Mais il est où ?

 

NATHALIE

Ben, c'est lui qui l'a !

 

KARINE

Qui lui ?

 

NATHALIE

Ben Clark ! C'est Clark qui a le certificat ! Qu'est-ce que tu veux que j'en fasse moi !

 

KARINE

Mais... Le tamponner pauv' conne !

 

NATHALIE

Oh, tu me parles pas comme ça, hein !

 

KARINE

Je te parle comme je veux.

T'es même pas foutu de penser à prendre le putain de papier de ton… De ton…

Arrrrg, tu m'énerves tient !

 

NATHALIE

Oh, ça va ! Tu te prends pour qui, connasse ?

Petite bagarre organisée des filles.

Tout à coup, du bruit se fait entendre de l'autre côté du mur.

 

Tableau fixe des deux filles en pleine bagarre.

Elles dialoguent toujours dans la pause.

 

KARINE tire les cheveux de NATHALIE qui a la tête vers le bas.

NATHALIE mord le bras de KARINE.

 

NATHALIE

Putain, c'est qui ?

 

KARINE

Chut... Cache le tampon !

 

NATHALIE

C'est déjà fait pauv' fille.

 

KARINE tire les cheveux de NATHALIE.

NATHALIE fait une grimace de douleur, en silence.

 

KARINE

T'es vraiment une tâche de nous foutre dans un pétrin pareil...

 

NATHALIE mord KARINE.

KARINE tire les cheveux de NATHALIE.

 

Les deux filles se battent en silence.

 

CLARK surgit alors.

Il sort son certificat.

NATHALIE le tamponne.

Puis ils détalent tous les trois.

 

NATHALIE revient en arrière, rapide et nerveuse, pour remettre le tampon à sa place et s'en va.

 

♦ Acte 4 - Scène 2

 

Camille et Oscar continue leur conversation...

 

OSCAR

...C'est pas la peine de te donner tout ce mal Camille, je n'irai pas... Qu'est ce que tu veux que je foute à cirer les pompes de bouffons qui se prennent pour des rois !

J'ai gagné... J'ai gagné quoi ? Un autre jury n'aurait sans doute pas aimé mon roman. Alors quoi ! Ils ont la prétention de donner ou de refuser la palme, le prix, la victoire ? Ça m'fout en l'air !

 

CAMILLE

Arrête... C'est juste une reconnaissance pour ton boulot, tu te prends bien au sérieux... C'est peut-être toi le prétentieux ! Allez, viens... Tu vas enfin te faire connaître, t'ouvrir au monde...

 

OSCAR

Mouais, le monde... Il me fait bien marrer Le Monde... Tu parles... S'ouvrir au monde c'est comme ouvrir une boîte de conserve, l'apparence de donne vachement envie, mais quand tu l'ouvre ça te fait tout de suite moins saliver.

 

CAMILLE

Pas très littéraire pour un écrivain.

Nan mais tu t'es vu ? C'est toi qu'à des airs de bouffe périmée ! T'as la gueule d'une tapisserie moisie qui se décolle par tous les bouts ! Tu pues la chaussette humide de sueur de pied ! Enlève tes chaussures pour voir ? Allez, vas-y, enlève tes charentaises

 

OSCAR

Nan mais ça va pas ! Arrêtes ! C'est pas des charentaises en plus...

 

CAMILLE en se marrant

Nan, je veux voir si y'a pas des vers entre les orteils...

 

OSCAR se débat mais CAMILLE tient bon et lui enlève chaussures et chaussettes.

 

CAMILLE

Alors, alors... Mais, c'est tout propre ! Tu te laves ???

 

OSCAR en riant sous la torture des chatouilles de Camille

Mais oui je me lave, aaaah arrêteuuuu...

 

CAMILLE

T'as des jolis petons dis donc...

Elle fouille par la jambe du pantalon

Mais t'es un sacré poilu toi... Houuuu c'est tout doux !

 

Tout à coup, la chamaillerie s'arrête pour laisser place à la tendresse. CAMILLE garde la main sous le pantalon d'OSCAR. OSCAR est tétanisé, le regard droit dans celui de CAMILLE.

Elle retire sa main lentement. Elle se lève sans le quitter des yeux et lui tend la main.

Debout, l'un face à l'autre, elle se met dans ses bras…

 

CAMILLE

On y va ?

 

OSCAR se sépare de CAMILLE, panique

Ah non ! Non, non, non ! J'y retourne pas... T'as pas vu, ils ont failli me bouffer !!!

 

CAMILLE

Qui a failli te bouffer ?

 

OSCAR

Mes les autres, les gens là...

 

 

CAMILLE

Oscar, les gens ne bouffent personne. Qu'est-ce que tu racontes, c'est toi qui te fais des idées.

 

OSCAR

Des idées, je me fais des idées ? Ils sont fiers... Tous très sûrs d'eux, ils savent où ils vont... Avec cette apparence de tout savoir sur tout...

 

CAMILLE

Tu le dis toi-même, c'est qu'une apparence. C'est une armure... Ils se protègent des autres. Eux aussi.

 

OSCAR

Mais pourquoi ? Hein ? Pourquoi il faudrait se protéger des autres ?

 

CAMILLE

Parce que... parce que... En réalité, tout le monde à peur. Peur de montrer ses fragilités, peur ne n'avoir rien à dire, peur de ne pas être à la hauteur...  c'est comme ça...

 

OSCAR

Ouais ben moi ça me va pas...

 

CAMILLE

C'est qu'une apparence... Je te dis... Ils mettent un impér', une cravate, du maquillage, c'est pour pouvoir se lancer, comme un gladiateur dans l'arène.

 

OSCAR

Alors il faudrait toujours se faire une armure pour affronter les autres, pour vivre ensemble !!! Ben moi ça me va pas.

 

CAMILLE

Oscar, il faut se protéger pour prendre le temps de faire connaissance et reconnaître celles et ceux qui nous accepterons tel que nous sommes... Ça vaut le coup tu sais !

 

OSCAR

Mais comment se protéger ? Moi je sais pas faire, je ne vais tout de même pas avancer avec mes bouquins comme bouclier !

 

CAMILLE

aaah pourquoi pas, mais tout d'abord c'est une question de position, je vais te montrer.

D'abord faut te tenir.

 

OSCAR, hésitant, obéit scrupuleusement et se tient à CAMILLE.

 

Non. Faut te tenir physiquement, je veux dire... Physiquement... Tiens-toi droit, et pis laisse tes mains en bas, arrête de te gratter sans cesse comme ça...

 

OSCAR se tient comme un militaire au garde à vous.

 

Nan, faut pas exagérer. Il faut rester toi-même. Tu peux pas faire quelque chose de propre sans faire coincé !

 

OSCAR se met comme un militaire au repos.

 

Mais nan, tu veux faire plus bête que tu ne l'es ? Je sais pas moi...

Bon, c'est pas mal. Maintenant marche...

 

OSCAR s'exécute, d'un pas peu assuré, les épaules voûtées, le regard en alerte...

 

A la fin OSCAR réussit à se sentir en confiance. Il se redresse. Il sourit et a le geste plus sûr.

 

Super ! Quelle classe ! Tu vois ça, c'est pas grand chose mais ça change tout...

 

OSCAR

Ouais, c'est... C'est... Différent...

 

 

Il marche, content de lui, jusqu'à ce qu'il se retrouve involontairement face au public.

Il pousse un cri d'effroi et part se réfugier chez lui...

 

CAMILLE se retrouve seule.

Elle appelle OSCAR.

Il ne vient pas. Elle part tristement.

 

♦ Acte 4 - Scène 3

 

Le maître du temps met les aiguilles de l'horloge sur 14 h 00.

 

CLARK arrive sur la scène, admirant son certificat tout bien tamponné, il est soulagé et joyeux. Chewing-gum

 

PAUL et CHRISTINE arrivent en discutant à bâton rompu, ils se font interpeller par Clark heureux d'être tiré d'affaire.

 

CLARK

Avant de partir je veux plein de souvenirs ! Eye vous ! Oui vous là ! Please … Je peux ?

 

Sans attendre de réponse, Clark affuble Christine et Paul d'un béret et leur met une baguette de pain pour l'un et un camembert pour l'autre.

 

Aaaaah ça c'est la France !

 

PAUL

Non, ça c'est pas la France non... C'est plus la France depuis bien longtemps même !

 

CHRISTINE le regarde en riant tendrement

 

PAUL qui se prend au jeu

Christine, est-ce que tu connais la différence entre un Américain et un yaourt ?

 

CHRISTINE

Non.

 

PAUL

Contrairement à l'Américain, le yaourt, au bout d'un certain temps, finit par développer une certaine culture.

 

CLARK

Vous les français, vous mangez tout le pain ?

 

PAUL

Oui.

 

CLARK après avoir fait une grosse bulle avec son chewing gum
Nous en Amérique, on mange juste l'intérieur. La croûte, on la met dans des containers, on recycle pour en faire des croissants et on les vend aux Français.

 

CHRISTINE

Faites-vous l'amour en Amérique ?

 

CLARK
Yeah bien sûr, très souvent ...

 

CHRISTINE
Et que faites-vous des préservatifs utilisés ?

 

CLARK
Et bien comme tout le monde, on les jette.

 

CHRISTINE
Pas nous...

Une fois utilisés, on les recycle dans des containers pour faire du chewing gum que l'on vend aux Américains

 

CLARK crache son chewing gum, écœuré.

 

 

♦ Acte 4 - Scène 4

 

Chistine et Paul rient de bon cœur jusqu'à ce que la bonne humeur retombe pour faire remonter la réalité à la surface.

 

CHRISTINE

Tu sais, je ne suis pas certaine qu'un simple voyage suffise pour nous retrouver. On a changé Paul, peut-être trop changé.

 

PAUL

Quoi ! Tu vas pas me dire qu'on ne part plus ! On a les billets, le décollage est dans quelques heures et tu remets tout en question maintenant ?

 

CAMILLE dans la rue, le regard tourné vers l'appartement de OSCAR

Allez Oscar ! Vient !

 

OSCAR toujours dans son appartement, même position

Je suis trop vieux, je suis foutu....

 

CLARK fait les cents pas

J'ai tellement envie de rester...

 

NATHALIE et KARINE arrivent.

 

OSCAR est toujours seul dans son appartement. Il est hésitant, regarde les gens dans la rue (comédien et public)

 

NATHALIE à Karine

On vieilli plus vite que les autres nous...

Tu ne vois pas se qu'ils font toutes la journées, ici.

Ils se grattent les trous de nez, pètent sur leur chaise.

Et sur les bureaux ? Hein ? Ils font quoi sur leur bureau entre midi et deux quand il y a personne... Tu n'imaginent pas, toi ? La grande rousse là ? Hum ?

 

PAUL sourit à CHRISTINE

Je me souviens quand tu étais venue me retrouver pour le déjeuner...

Il y a… Combien ? 25 ans au moins...

Tu te rappelles ? Sur le bureau de la petite rousse ?

 

CAMILLE

Ben moi si j'étais toi...

 

OSCAR

Ben t'es pas moi !

 

NATHALIE à KARINE

Et ils éternuent, schplash, sur leur écran... Ils se mouchent comme des cochons...

 

KARINE, écœurée,

Oui bon ça va... C'est bon j'ai compris... Très bien la conférence sur la vie secrète des cravates.

 

CLARK

Il faut que je j'assume ! J'ai des responsabilité importante... C'est la vie et la triche en fait partie. C'est comme ça.

 

KARINE à NATHALIE

T'es une chouette fille en faite ...

 

CAMILLE

Toi t'as rien à perdre et moi j'ai tout perdu !

 

PAUL à Christine

J'en ai marre qu'on ne compte que sur moi !

 

CHRISTINE

Ah bon ! Je compte que sur toi ! Et bien vas y seul à ton voyage ! Après tout c'est toi et toi seul qui l'a organisé non ?

Christine lâche sa valise, fais volte face et s'en va.

 

CLARK

C'est jamais trop tard... Tout recommencer...

 

KARINE

J'ai oublié de faire un bisou à Kevin avant de partir ce matin...

 

OSCAR

Mais que je suis con, que je suis con !

 

♦ Acte 5 - Scène 1

Passage lent de Camille, Clark, Paul, Karine et Nathalie avec leurs valises

Le maître du temps met les aiguilles de l'horloge sur 15h00.

 

CLARK entre sur le plateau, sa valise à la main. Il regarde un panneau d'information sur le mur derrière le public. Il regarde l'heure, prend son portable, écrit un message et part s'asseoir sur une des chaises d'attente. Il sort son certificat, le regarde avec fatalisme.

 

CAMILLE entre sur le plateau quasi en même temps que CLARK. Elle est très hésitante et ne fait que se retourner en arrière. Elle regarde intensément vers l'entrée du hall d'embarquement... Elle essaie de joindre quelqu'un sur son portable. Elle raccroche, se dirige vers l'entrée du hall, d'où elle ne peut plus sortir...

 

Pendant ce temps, sont entrées KARINE et NATHALIE, perdues et toutes excitées. Elles observent partout autour d'elles, demandent des infos à CAMILLE puis à CLARK. Elles vont ensuite s'asseoir, l'une en mangeant, l'autre en sortant une lingette pour se laver les mains.

 

PAUL entre sur le plateau en traînant sa valise derrière lui. Il avance, un peu absent et va s'asseoir pour attendre. Il regarde sa montre l'air anxieux en se tournant régulièrement vers l'entrée du hall d'embarquement. Il prend souvent sa tête entre ses mains pour réfléchir, regarde son portable pour voir s'il n'a pas reçu un message.

 

Appel d'embarquement immédiat.

 

KARINE et NATHALIE se dirigent vers la file d'attente en direction du tarmac sans hésiter.

 

PAUL se lève plus difficilement. Il est désespéré et regarde derrière lui en avançant lentement, mais s'engouffre comme tout le monde.

 

CAMILLE, elle, panique... Elle ne sait plus quoi faire... Partir, rester ? Elle laisse passer PAUL, se retrouve en fin de file d'attente... Hésite... Puis s'engouffre à la suite des autres passagers.

 

Bande sonore des pilotes prêt au décollage.

 

En même temps, OSCAR arrive désemparé, apeuré, rasant les murs.

 

Arrive alors CHRISTINE qui a finalement changé d'avis. Elle court, s'empresse, mais s'aperçoit rapidement qu'il est trop tard.

 

Au moment de l'explosion, les deux protagonistes se retournent effarés, les yeux grands ouverts, le souffle coupé... CHRISTINE crie le prénom de son mari tandis qu'OSCAR recule d'effroi.

 

 

NOIR

 



25/06/2016
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