les mots sillons

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...Jeanne CHERHAL

31 mars 2007

Très chère Jeanne,

 

Vous me permettez que je vous appelle Jeanne ? Parce que Madame Cherhal, ça fait plus lettre de candidature que petite bafouille pour une découverte. Ah ben oui, vous le saviez pas ? On parle de vous comme d'une découverte ! Enfin, je veux dire, dans votre cas, plus maintenant. Mais à vos débuts, vous étiez LA découverte, comme un objet précieux qu'on sort des profondeurs des eaux : LA découverte enfin dans les bacs !!!

 

Donc, pour moi, et veuillez m'en excuser, vous étiez d'abord une découverte. Et, je vais être honnête avec vous, je suis venue vous écouter pour deux raisons : d'abord, je ne travaillais pas le lendemain et puis ma rencontre avec vous m'était offerte. Oui, une vraie rencontre, comme dans un bon film de Lelouch où les personnages ne font que se croiser pour changer une vie.

 

De vous, je ne connaissais que « le p'tit voisin », entendu sur l'album « les p'tites qui piaffent », album excellent soit dit en passant. Quand ma copine m'invite à votre concert, je me dit pourquoi pas, y a rien d'autre à faire, pis elle à l'air sympa la Jeanne Cherhal... Nan mais vous vous rendez compte comme nous sommes odieux ! Nous vous traitons comme un produit de consommation, genre : tiens vais goûter ces nouveaux biscuits, z'ont pas l'air dégueu...

 

Oui, je disais, je ne connaissais QUE « le p'tit voisin ». Car, non seulement vous êtes loin d'être un simple biscuit qu'on grignote mais vous manquiez sérieusement à ma culture musicale.

Arrivée au concert, j'ai retrouvé des ami(e)s un peu survolté(e)s. Dans une petite heure je comprendrais leur engouement, mais, pour l'instant, je me dis que c'est vraiment pas la peine de faire toute une hystérie de ce p'tit bout de femme qu'a oublié ses brassards...

 

On s'installe à la loge dix. Nous sommes dans un théâtre et l’exiguïté de l'emplacement me donne l'impression de m'asseoir dans un train en quatrième classe. Petite chaise velours, genoux qui cognent sur la rambarde... De toute façon, vu le gros piano qui trône sur la scène ça ne va pas beaucoup bouger... Je vais prendre mon mal en patience... Punaise le clicher de la française moyenne, vous vous imaginez pour qui vous chantez ? Des ploucs qui descendent de leur campagne et qui pensent qu'on peut rien faire d'un piano à queue.

 

Vous me prouverez le contraire dans quelques minutes.

Soudain : glouglouglouglouglouglou, surprise j'écoute... Je tape dans les mains en suivant la rythmique, grand moment de solitude : personnene me suis. Gloups. Tant pis, je suis à un concert pas au théâtre, je persiste et signe pour entendre d'autres mains frappées. C'est parti !

 

Vous êtes là, magnifique, petite robe bleu et talons qui ne vous empêcherons pas de mettre le feu en jouant de piano debout « Quand, nous, trouillards nous sommes à genoux... ».

Mon seul regret : ne pas avoir vu vos mains danser sur le piano. Dés les premières notes, votre musique raisonne dans mes tripes. Vous ne jouez pas du piano, vous lui donner la parole. Vos doigts lui donnent la vie. Il devient tour à tour grand bonhomme sensible, petit monstre espiègle, gentleman émotif, mauvais garçon bagarreur.

 

Sans parler de l'instrument que vous maîtrisez à la perfection, si si ne soyez pas modeste ! Vous domptez votre voix comme on maîtriserait les pulsions d'un torrent. Parfois cascade, petites gouttelettes rafraîchissantes, tantôt rivière d'un soir d'été, douceur apaisante. Et puis déferlement orageux, vagues déferlantes, comme si on se mettait au plus près du danger pour sentir l'adrénaline monter. Comme une magicienne qui exige de la nature, baguette à la main, le flot est à vos ordres crescendo, moderato, pianissimo, forte. Silence. On écoute. 

 



20/01/2015
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